Et si la crise devenait la situation « normale » ? Episode 2. Ce que nous apprend le Japon.

Comme nous l’avons vu dans le post précédent, la crise « permanente » devrait nous pousser à chercher un nouvel équilibre en supprimant les gaspillage dans notre mode de vie sans pour autant être obligés de réduire notre confort de vie. Sur ce point, comme pour le lean tel que l’on connaît aujourd’hui, nous pouvons apprendre beaucoup du Japon. La bonne nouvelle qui nous vient du Japon est que la crise peut avoir aussi du « bien » : elle nous force à revoir nos modèles et paradigmes et à être plus créatifs… Voilà un pays qui a « profité » des trois des plus importantes » crises de son histoire pour inventer des modèles qui ont eu (ou vont avoir) un impact sur le monde. Tout d’abord, le lean, qui un résultat indirect de la seconde guerre mondiale. Puis, la récente crise de Fukushima (tremblement de terre et tsunami), n’a fait que se rajouter à la récession économique dans laquelle se trouve le Japon depuis quasiment une dizaine d’années.

Une récente visite au Japon m’a permis de voir comment ce pays est en train d’inventer un nouveau modèle de vie (la vie lean). Voici quelques exemples. Afin d’équilibrer la consommation d’énergie, des entreprises prennent leur weekend le jeudi et le vendredi. Autre exemple, certaines entreprises ont décidé de commencer le travail plus tôt… Egalement, afin d’effectuer des économies d’énergie certains escalateurs de stations de Métro sont fermés après une certaine heure quand la fréquentation diminue. De même, le nombre de trains circulant est optimisé… Bref, je pourrais vous citer de nombreux exemples comme ceux-là.

Autre curiosité : malgré toutes ces crises, le taux de chômage au japon est resté inférieur à 5,5%. Cela dans une économie en quasi-récession depuis de nombreuses années. Comment font-ils ? J’y reviendrais dans un prochain post. Je rappelle que dans une situation de crise similaire et sur une période plus courte (moins de 2 ans) les US ont quasiment doublé leur taux de chômage pour atteindre 9,1%  (Juillet 2011). Tout autre pays (notamment les US) dans la situation du Japon serait dans un état catastrophique !

Si la situation de crise devait perdurer, nous aurions certainement beaucoup à apprendre du Japon. Cette fois ce ne sont pas seulement les entreprises qui copieront mais bien « tout le monde ».  Bien sûr, loin de moi de prétendre que tout est beau au Japon.

Et si la crise devenait la situation « normale » ? Episode 1.

Pendant des années on a poursuivit avec acharnement les « 3% de croissance » qui étaient sensés nous apporter le bonheur (création d’emplois / réduction du taux de chômage) sans les atteindre. Depuis 2008, les choses semblent se compliquer davantage et les crises semblent ne plus quitter la scène économique. D’où ma question : « Est-ce que la situation de crise n’est pas en train de devenir un état normal ? ».  En d’autres termes, ne devrions-nous pas (en tant que pays, communauté, organisation voire individu) ajuster notre « bilan comptable » par la réduction de notre coût de vie et oublier la recherche infructueuse de revenus supplémentaires (via la croissance pour un pays) ?  Cela ne veut pas forcement dire baisse de niveau de vie. Il s’agit d’être capable aujourd’hui sinon de « vivre mieux avec moins » du moins de « vivre comme avant avec moins »…. Cela vous rappelle certainement le slogan du lean « faire moins avec plus ».  Il s’agit de faire rentrer les principes du lean dans notre mode de vie… C’est-à-dire supprimer certains gaspillages. Il peut, par exemple, s’agir de faire d’économies sur votre facture d’électricité (au passage, cela peut aussi être bon pour l’environnement, même si cela n’est pas votre principale motivation). Une fois de plus, il est possible de le faire sans rien enlever à notre confort de vie. Les exemples ne manquent pas dans d’autres domaines. On est bien loin de l’austérité dont on nous parle depuis plusieurs jours. Il s’agit véritablement de vivre autrement voire mieux en dépensant moins !  Dans le post suivant, je reviendrai sur ce que nous apprend le Japon sur la mutation du mode de vie d’un pays. En effet, comme pour le lean, nous avons des choses à apprendre des nippons également.

Si l’on parlait encore des stocks…

Dans ce post, je voudrais tous simplement partager avec vous la citation suivante de Fujio Cho, l’ancien PDG de Toyota. Cette citation va dans le sens d’un de mes précédents posts sur l’utilité des stocks de produit finis ou de matières premières dans le lissage. En effet, avancer ou retarder des envoies, demander aux clients d’attendre nécessite des stocks (matière première et produits finis) – il est facile de le démontrer. Une fois de plus, comme le précise la citation ci-dessous. Sans lissage, pas de travail standard, qui est la base du lean. En d’autres termes, le stock de matières premières ou de produit finis est précisément ce qui vous permettra de mettre en place le lean.

 

“In general, when you try to apply the TPS, the first thing you have to do is to even out or level the production. And that is the responsibility primarily of production control or production management people. Leveling the production schedule may require some front-loading of shipments or postponing the shipments and you may have to ask some customers to wait for a short period of time. Once the production level is more or less the same or constant for a month, you will be able to apply pull systems and balance the assembly line. But if production levels-the output-varies from day to day, there is no sense in trying to apply other systems, because you simply cannot establish standardized work under such circumstances.”

-Fujio Cho, President, Toyota Motor Corporation

La meilleure nouvelle pour l’emploi en France depuis très longtemps

Il ne s’agit pas d’une quelconque baisse du chiffre de chômage en France mais de l’annonce faite par Foxconn en début de semaine signifiant son intention de remplacer une partie de ses opérateurs par 1.000.000 de robots d’ici 3 ans. Cette société chinoise qui fabrique des équipements électroniques pour des grandes entreprises occidentales (Apple, Nokia, …) possède actuellement près d’1 million de salariés et 10.000 robots. Elle compte faire passer son parc robots à 300.000 dans un an avant d’atteindre le million dans 3 ans. Foxconn, qui a également fait la une de l’actualité il y a un certain temps à cause de nombreux suicides d’employés, rémunère actuellement ses opérateurs entre 200 et 300 dollars par mois. Comme nous le savons tous, les prix des robots ont baissé au cours des dernières années alors que le coût de la main d’œuvre en Chine a augmenté. Au delà des nécessités spécifiques à l’industrie électronique, cette décision de Foxconn est le signal du début d’une inflexion : « les robots seraient devenus moins couteux que la main d’œuvre en chine ».

« Alors quel est le lien entre cette histoire et l’emploi en France ? », me diriez-vous.

Eh bien pourquoi faire en Chine ce que l’on pourrait faire en France (en Allemagne et tout autre pays de l’Europe occidentale) sans les coûts logistiques? Certes, automatiser en France au lieu d’aller en Chine ne permettrait pas de maintenir tous les emplois mais certainement une partie (ce qui vaut encore mieux qu’un « outsourcing » complet). Certes, la main d’œuvre indirecte restera moins chère en Chine (sur cette population les écarts avec l’Europe sont moins importants). Certes, le réseau de fournisseurs de composants est très souvent installé en chine. Certes, il y aura toujours d’autres destinations encore plus « low cost » que la chine (Viêtnam, Philippines, …). La réalité est que cette décision de Foxconn signale le début de quelque chose… à suivre. Dans tous les cas, cette info est certainement plus importante qu’un quelconque chiffre de baisse de chômage qui très souvent n’a statiquement aucune signification (variation de cause commune).